Le terme d’art numérique est plus que jamais présent dans notre quotidien. Il s’impose dans les festivals, dans les centres d’art, dans les galeries, dans la presse, dans les médias, et s’installe dans tous les esprits. Quelque chose est à l’œuvre dans l’art numérique qui n’a lieu nulle part ailleurs. Nous assistons à la naissance d’un art. Comme pour le cinéma il y a un siècle, un nouveau médium, une nouvelle forme d’expression artistique voit le jour.
Quelle spécificité pour l'Art numérique ?
Comment une œuvre numérique se distingue-t-elle d’une œuvre traditionnelle ? Sur quoi repose la vitalité de ce champ artistique ? Qu’est ce qui en fait le cœur ?
Rien de plus et rien de moins qu’une réalité invisible : un programme.
Une œuvre numérique est entièrement pilotée par quelque chose d’invisible et de pourtant bien réel. A l’arrière plan de chaque œuvre, un programme informatique est en cours. Grâce à ce programme l’œuvre possède un comportement qui lui est propre, un comportement qui nous surprend car il demeure en grande partie imprévisible. Quand les variations du comportement sont internes on parle d’une œuvre générative. Quand le comportement de l’œuvre varie avec ce qui est présent dans son environnement immédiat, on parle d’une œuvre interactive.
Dans les deux cas l’œuvre est une altérité constituée, une réalité autonome, sensible et agissante. Comment la qualifier encore si ce n’est par le terme d’Etre ou celui d’Entité ?
Oeuvres vivantes et artistes démiurges
Ainsi, à l’ère du numérique, les artistes créent des œuvres qui ont toutes les caractéristiques du vivant. Non seulement des œuvres en mouvement comme à l’époque du cinéma mais des œuvres possédant un mouvement et une vie interne.
La créativité d’un artiste numérique s’apparente à celle d’un démiurge. L’artiste est un créateur de monde qui une fois l’œuvre achevée découvre sa création en marche. La métaphore n’est pas anodine. Il arrive souvent que l’œuvre échappe à l'artiste, pendant le travail créateur, ou lors de sa diffusion. Des images émergent, des paysages inconnus se font jour, des réactions entre l’œuvre et le public s’improvisent.
De nouveaux enjeux
La présence d’un programme dans l’œuvre a un impact considérable en amont et en aval de la création.
Cela concerne d’abord la production. Poussés par la nécessité, les précurseurs de l’art numérique - je pense à Nicolas Schöffer dont nous avons récemment célébré le centième anniversaire - se devaient de maîtriser un tant soit peu les bases de la programmation. Avec l’apparition des structures qui contribuent à l’essor de cet art, une nouvelle association a vu le jour : celle des artistes et des développeurs. Aujourd'hui les œuvres numériques se méditent, s’expérimentent et se concrétisent dans un partenariat étroit avec les développeurs, les maitres artisans de ces technologies.
Cela concerne ensuite la diffusion. Les œuvres numériques sont vivantes et investissent naturellement les lieux de vie. L’accrochage dans l’espace public se fait d’une manière qui lui est propre : les artistes identifient des situations spécifiques aux espaces choisis pour penser la relation entre l’œuvre et son environnement. L’adaptabilité et la plasticité des œuvres numériques nous offrent cette latitude. D’un écran de la taille d’un téléphone portable à la surface entière d’un immeuble, tout est envisageable.
Les enjeux esthétiques se confrontent ainsi directement à des enjeux d’urbanisme et de société. « Cette œuvre oui, mais pour quel lieu ? », se demande l’artiste. Quand le politique ou l’urbaniste dira : « Ce lieu oui, mais pour quelle œuvre ? » Que de rencontres à écrire entre ces différents acteurs.
Une agence pour un art en devenir
Nous créons aujourd'hui l'agence Le Pixel Blanc pour participer résolument à cette aventure. Partie prenante de nouvelles créations dans une démarche de coproduction, vecteur de médiation et de diffusion au service des artistes et des publics, l'agence a pour vocation la promotion de l'Art numérique, afin que les œuvres vivantes qui en sont l'expression trouvent leur place dans nos lieux de vie, publics et privés.
Le cœur de l’œuvre numérique, c’est l’invisible. Le cœur de l’expérience pour le public, c’est la relation avec cet invisible. L’aventure esthétique à laquelle nous invite l’art numérique ne fait que commencer, mais déjà, les artistes, les producteurs et les diffuseurs se rassemblent pour saluer la naissance des œuvres programmées.
Nous vivons une époque de grands enthousiasmes, l'aube d'un nouvel âge d'or de la création artistique. L'équipe du Pixel Blanc est fière et heureuse de participer activement à cette aventure !
Hugo Verlinde
Co-fondateur et directeur artistique du Pixel Blanc
Ce texte est une adaptation d'un article écrit en Novembre 2013 pour la revue du Cube. Cet article est accessible en ligne sur le site du Cube.